Le dessin d'aujourd'hui parle de ce jeu cocasse auquel vous
vous êtes sans doute déjà adonnés en famille, entre amis ou même
avec de parfaits inconnus, intrépides que vous êtes. J'ai nommé le cadavre et ski !
Quand nous étions petits ma sœur et moi, nous faisions avec
notre amie Cynthia des cadavres et ski dessinés, dont la drôlerie
fracassante résiste au nombre des années.
Depuis, nous n'avons pas pris beaucoup de centimètres.
Voilà un document d'époque retrouvé au détour d'une boite de Legos.
C'est simple :
On dessine le couvre chef, puis on plie et on passe à son voisin.
On dessine jusqu'au cou, puis on plie et on passe à son voisin.
On dessine jusqu'à la taille, on passe et on plie pour son voisin.
On dessine jusqu'au bas des pieds, on plie son voisin puis on passe.
On dessine ce qu'il y a sous les pieds, puis on passe. Et HOP on ouvre tout pour découvrir le personnage!
Voilà maintenant l'instant passionnant où nous allons façonner les acteurs de notre épopée.
1. Les rôles :
Il existe de nombreux rôles parmi lesquels nous allons pouvoir piocher :
Le héros ou l'héroïne : il peut être le personnage principal, il doit se démarquer par sa présence, les détails qui lui sont apportés, sa force de caractère. Il a un côté spécial, une qualité, qui le différencie des autres. Exemples : Thorgal, .
L'anti-héros : ce n'est pas un ennemi, bien au contraire. Ça peut être lui le personnage principal. Il est bourré de défauts et n'a aucune qualité "héroïque". Cependant il apporte un plus à l'histoire par sa façon d'être originale. exemple : Gaston Lagaffe, Bob l'éponge, Végéta dans DBZ.
Seconds rôles : ils mettent en valeur les personnages principaux et ont souvent un caractère bien différent.
Les faire-valoir : personnages "balance" mettant en valeur le héros. Si le héros est comique, le faire-valoir sera sérieux, ou inversement.
Le méchant : redoutable et sensiblement plus fort, intelligent, charismatique que le héros, le lecteur doit avoir de la sympathie pour ce personnage.
2. Les caractéristiques : Un personnage est défini par ses interactions avec l'univers, avec les autres personnages et avec le lecteur (voir plus loin, §4.). Cela revient à cerner sa condition. Condition environnementale : où se situe-t-il dans l'univers que nous avons créé ? Comment interagit-il avec ? Condition sociale : le personnage est-il un magicien ? un lycéen ? un monstre ? un soldat ? Condition de personnalité et de conscience : est-il connu ? respecté ou craint ? incognito ? est-il sombre, de nature joyeuse, cruel, fou ? 3. Profondeur des personnages :
Pour que les personnage soient profonds, il faut qu'ils soient porteurs d'une histoire riche qu'il nous revient d'inventer.
Questions à se poser : Que veulent-ils ? Que pensent-ils ? Qu'attendent-ils de la vie ?
Exemples : être le plus fort, conquérir le cœur de quelqu'un, dominer le monde, trouver un trésor, répandre l'amour et la paix bisonique...
(un extrait incontournable de l'excellent film "Street Fighter")
Au départ, les personnages sont caractérisés (apparence) et ont un
objectif (désir conscient). Les conflits de l'histoire les entrainent à faire des choix
qui révèlent leurs contradictions, leur caractère vrai (vérité cachée)
et leurs désirs inconscients. C’est ce qui fait qu’un personnage va
surprendre le lecteur.
Quel est leur passé, leur avenir ?
Comment évoluent leur caractères, leurs sentiments, leurs mentalités? Comment changent leurs métiers, leurs points forts et faibles, leur état d'esprit.
4. L'empathie pour les personnages :
Astuce : ne pas tomber dans le piège de la prétention : un bon personnage n'est pas forcément beau, charismatique avec beaucoup de sex appeal. Il doit avant tout être attirant intérieurement.
(Mario Bros n'est pas une bombe sexuelle, pourtant il est attachant)
Pour que le lecteur ait le désir de s'intéresser aux aventures d'un personnage il n'est pas indispensable qu'il s'y identifie, il faut surtout qu'il s'y attache. Il est possible de créer de l'empathie pour tout personnage, même les plus détestables à l'origine. Pas besoin non plus que les personnages soient humains pour être intéressants.
Comment faire pour créer l'empathie ?
- Donner aux personnages des défauts de caractérisation (on déteste les gens parfaits) : Thorgal a une cicatrice, le capitaine Haddock n'a aucune diplomatie et adore l'alcool. - Les faire souffrir (hinhinhin, ce que je préfère) : Mario (UW1) a toujours été un raté.
- Adopter leur point de vue. Donner de la légitimité à leurs choix même s'ils semblent mauvais au premier abord (choix entre le 'bien' et le 'bien') : Polza (Blast) est amené au vandalisme, pour pouvoir vivre.
- Rendre les autres protagonistes pires que le personnage en question. - Faire en sorte qu'il apporte du bien pour les autres (volontairement ou pas).
Attention, il ne faut pas se contenter de l'empathie du lecteur pour le personnage : s'il est trop prévisible l'intérêt ne suivra pas. Les personnages doivent étonner le lecteur.
Exemple : Indiana Jones a peur des serpents, Al Capone pleure à l'Opéra.
5. Design et style:
Cet aspect passionnant est traité dans un TP dédié, accessible ici. On yaborde les 4 principes du chara design :
En complément, vous pouvez vous inspirer de quelques excellentes idées que j'ai regroupées ici sur Pinterest.
6. TP : Mes personnages : Pour la mini-BD sur La Fabrique, j'ai choisi de prendre 2 personnages. Leur noms importent peu, car ils ne seront pas utilisés pendant les 3 planches.
X, l'héroïne, marchande de cubes de rêves.
Son fil conducteur : doit vendre ou troquer des cubes pour vivre. Parcourt le monde à l'improviste.
Physique : pas grande, cheveux châtains clairs emmêlés, visage un peu sale.
Caractère : polie mais têtue. Elle aime bricoler. Quand elle est vexée, le reste 5 jours.
Habitudes : dort à l'abri de son sac, porte des sarouels et écharpes. Marche à l'aide de son long bâton-flûte. Joue de la flûte tous les soirs, et ça sonne comme ça :
(Sidney Lanier : "Melody" - played by P.Sheridan)
Signe distinctif : a un bandeau pour domestiquer ses cheveux, porte un gros sac à dos qui contient ses cubes et ses affaires.
X, la vendeuse itinérante de cubes de rêve
Y, le client mystérieux.
Temporalité : le lecteur ignore qui il est, tout comme X, avant de découvrir sa vraie nature : artiste/alchimiste.
Son fil conducteur : essaie depuis des lunes de recréer des bédés vivantes. Faire renaître le pouvoir oublié du livre, celui qui fait rêver si on le pose sur sa table de chevet, tout comme les cubes de rêve.
Physique : un peu maigre et plus grand qu'X, il a des cernes très marqués. Cheveux noirs attachés en chignon, bouc pointu, légère moustache et pâtes descendantes.
Caractère : Passionné, survolté et vif, il rit beaucoup.
Habitudes : ne dort plus, faute de temps. Vit dans une maison-bibliothèque.
Signe distinctif : toujours tâché de couleurs.
Y, l'artiste alchimiste
Une fois choisis les contours de ces personnages, c'est le moment de leur donner forme et donc de faire des quantités astronomiques de croquis pour aller à leur rencontre. Le plus souvent on tâtonne, on rate, mais il faut persévérer jusqu'à obtenir quelque chose qui colle. Pour ma part je ne suis pas encore satisfait, ce qui signifie qu'il me manque une centaine de croquis pour arriver à quelque chose de mieux.
Pour approfondir les principes du chara-design et la création des héros, vous pouvez consulter le TP suivant :
Une fois que les acteurs sont définis, nous allons les animer dans la scène qui leur a été attribuée. Ce sera le sujet du prochain TP qui marque clairement le pas d'entrée dans le vif de la BD : le Story board !
Maintenant que notre univers est défini, il faut choisir la directionà prendre et le genre que nous allons adopter. Tout d'abord, définissons le fil conducteur, qui évitera de perdre le lecteur en cours de route, mais aussi de nous perdre nous-même lorsque les idées viendront.
Pour nous aider, il y a des questions à se poser :
Questions clef : Et si? Comment? Pourquoi? Qu'est-ce qui s'y oppose?
Exemples :
Et si certains élèves n'étaient en réalité pas réels? Ils sont remplacés par des clones extraterrestres, pour comprendre nos processus cognitifs et pédagogiques. Finalement les professeurs sont eux-aussi remplacés, pour fausser l'Histoire sans que nul ne le sache jamais.
Et si un chevalier découvrait l'origine secrète des dragons? Il rapporte la nouvelle et domestique tous ceux du royaume. Il est enfin nommé Grand Dragonnier de la Cour.
Et si un fruit était exilé sur la planète légumes? ...
Mon idée :La Fabrique. Pour ces TP, la cible est un Mini Récit en 3 planches, on va donc faire simple.
"Et si un marchand de cubes de rêve tombait sur un client différent des autres? Il ne dort jamais mais veut pourtant lui acheter tout son stock..."
Ces réponses définissent le genre : rédemption, désillusion, éducation... En fonction du choix, la direction du récit peut varier énormément. Voici quelques modèles basiques :
Astuce : Attention cependant à ne pas céder au pré-formatage qui pourrait appauvrir notre histoire.
B. Structure de l'histoire
1. Les Ingrédients : conflits, crises, que du bonheur.
Pour un récit optimal rythmé, on met dans la marmite un élément perturbateur principal et quelques éléments perturbateurs secondaires. Il est important d’avoir un développement d’histoire crescendo qui évolue de manière progressive. Il est aussi conseillé d’avoir une chute ou un retournement de situation pour clôturer le tout.
- L’exposition : phase qui permet aux lecteurs de rencontrer les personnages et d’avoir une introduction sur l’univers.
- Le développement : le détail de l'histoire :
conflits, action, suspens, comique, rebondissements, mystère… il faut accrocher le
lecteur par un mouvement rythmé.
- Le moment
de crise (aussi appelé Climax) : il s’agit du moment de plus grande intensité dans l’histoire. Celui où se présente à la fois la
plus grande opportunité et le plus grand risque. (face-à-face ultime avec le méchant le plus puissant. S’il y a victoire, gain de l’objet de la quête, quel qu’il soit. S’il y a défaite, perte de la vie ainsi que celle de son(ses) compagne(s) et compagnon(s), bref tout le monde crève.)
- La conclusion : un dénouement qui clôt ou un retournement de situation qui ouvre les perspectives.
2. Les contenants : Actes, séquences et scènes
Une
histoire se décompose en actes, puis en séquences, puis en scènes. Avec un exemple c'est tout de suite plus parlant alors voilà une histoire de mon cru :
Exemple de structure basique : exposition, action, résolution
La scène :
noyau dur construit autour d’un évènement, qui génère un conflit. Cela provoque un "changement de valeur",
c’est-à-dire un changement d’état émotionnel chez le(s) personnage(s). Certaines scènes sont également là pour participer à l'ambiance globale de l'histoire (ex : "calin avec madame", "traversée d'étendues désertiques").
La séquence : une suite de scènes, articulée autour d’un conflit plus important.
L’acte : succession de séquences.
Test :S’entrainer à raconter le scénario en moins de 10 min à quelqu'un. (c'est mieux que de le faire lire)
Mon idée :La Fabrique. Pour un Mini Récit en 3 planches, on va faire une seule séquence voire une seule scène, malheureusement.
"a. Exposition : le marchand et ses cubes de rêve. b. Action : Le marchand rencontre un client différent des autres c. Exposition : découvre pourquoi ce client ne rêve pas d. Résolution : (surprise) "
3. Astuce : bien choisir le conflit :
Il s’agit toujours d’un conflit entre le ‘bien’ et le ‘bien’. C'est à dire que si le personnage choisit une voie qui
provoque le mal pour d’autres, c’est parce qu’elle provoque
le bien pour lui ou pour des personnages qui lui sont proches. Ex : il
peut avoir à choisir de tuer pour nourrir sa famille, ou de ne pas tuer
pour respecter ses valeurs morales.
C'est le
conflit qui crée le lien entre les personnages et l’histoire. Il permet de
révéler chez ceux-ci les désirs inconscients et le caractère vrai de chacun.
Une fois satisfait de notre structure, nous allons pouvoir avancer vers la définition des acteurs de notre histoire : les personnages...
Nous brûlons d'envie de faire une BD, notre grand projet, celui qui nous fera dominer le monde très bientôt. Avant de nous lancer directement dans les cases, commençons par le commencement... Voilà les astuces scénaristiques que j'ai pu regrouper. (Pour ces TPs, la cible est une Mini BD en 3 planches).
TP1 : Définir l'univers
A. Documentation
Notre première étape est sans doute la plus lourde. Il s'agit de définir l'univers. Rien que ça.
- Si c'est un univers qui existe déjà, réunir de la documentation : articles, livres et films, codes et clichés, architecture et iconographie. Personnages caricaturaux associés.
- Si c'est un univers nouveau, il est forcément inspiré de choses existantes : même travail à effectuer. En plus il faut définir même les points non utilisés dans le scénario pour parvenir à une cohérence globale.
Être au clair sur tous ces points principaux autour desquels on créera une perturbation.
Questions clef : Où est-ce? Quelle est la normalité de cet univers? Comment y vivent les gens? Quels sont les clichés liés à ce type de monde?
Exemples :
un professeur enseigne dans un collège tranquille - fonctionnement des cours, programme de la matière enseignée, comportement des élèves, nature des exercices, métier de l'enseignant, cliché du cancre et du chouchou
au moyen âge des chevaliers pourchassent les dragons - mythologie des dragons, histoire de la chevalerie, vêtements, armures et armes des chevaliers, hygiène au moyen-âge
dans une lointaine galaxie un peuple de légumes vit sur une planète hostile - anatomie et valeurs caloriques des légumes
Mon idée :La Fabrique.
"Tout
ce qui compose le monde est fabriqué dans une seule et immense
fabrique. Des marchands ambulants parcourent le monde pour vendre les
objets qui sortent de la Fabrique."
=> Documentation : codes de la fabrication industrielle, clichés de l'ouvrier, architecture des usines et de la chaîne de fabrication, définition de l'aspect extérieur de la fabrique, du type de paysages qui compose le monde, étude des univers/mondes.
B. Recherches A faire : croquis de décors, de concepts. Cubes de rêves, différents modules de La Fabrique. En voilà quelques uns :
( + d'autres planches de recherche )
Pendant que nous nous faisons une idée plus précise du monde grâce à ces croquis, des idées peuvent en jaillir pour venir alimenter le scénario lui même. Quand on se sentira prêt on pourra passer à l'étape suivante :TP N°2 : Formalisation du sujet et structure de l'histoire (du lourd) .